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Solitude
Le château de
Mal-Dormir
Sables mouvants
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Solitude
Lève la tête, ô Solitude, Amie que Dieu me donne en cette nuit.
Vois sur toi se pencher les myriades d'étoiles, mille regards brillants qui t'observent. mille points de supension à la fin d'un jour morne, mille et mille âmes, enfin, perdues dans les ténèbres
et parfois solitaire une comète silencieusement glisse entre ces mondes de ténèbres.
C'est le voile flottant dans l'espace infini d'une étoile flottante entre deux points d'appui,
c'est la voile dorée d'un navire inconnu
c'est une aube lointaine et à peine ébauchée qui fuit là-bas...
Le ciel tourne. La nuit pâlit. Un reflet violacé teinte l'univers endormi
et les mondes scintillent à l'orée de la nuit qui fuit là-bas...
Le vent soufle. Les nuages s'envolent tout gris dans le ciel noir, si gris... Et eux aussi s'en vont vers ces mondes brillants vers ces mille regards ces points de suspension qui fuient...
Devant tant de splendeur en la nuit de novembre où les feux semblent fuir, j'ai déchiré la feuille où s'étalaient des mots, où de vagues sourires prétendaient imiter les fières étoiles,
J'ai déchiré le silence.
Tous les mots désormais inutiles ont fui. Ils ont rejoint les étoiles, les myriades bleutées, aux reflets violacés Et jusqu'au silence ils ont fui dans l'espace infini
jusqu'au Silence ô Solitude !
Le Château de Mal-Dormir
Nuit bleue, veinée de lourd silence, Nuit bleue remplie de rêve...
Dans le château de Mal-Dormir, La Belle est une Absence Aux longs cheveux dénoués Sur son lit de Chimère ; En la forêt de Solitude Un prince viendra-t-il ? S'en viendra lui porter Le sommeil aux yeux clos Tout maculé d'étoiles.
( Rires des baldaquins brodés de sentinelles...)
Pourquoi le Chevalier des Songes Viendrait-il m'emporter ? Je ne suis pas la Belle Au château des Toujours , Pas même la princesse Evadée de la tour !...
Mais ma nuit n'est pas moins Peuplée de souvenirs, D'étranges mélopées, Obscures sentinelles Aux portes de ma vie, Immenses forteresses Elevées sur mon coeur, A l'entour de mes mots, Au bord de mon poème.
J'écris sans savoir quoi Et mon rêve est intact, Terre vierge et sauvage A l'abri de mes sens Et de vos déraisons. Ma musique intérieure Me dicte ces paroles Et ce sont mes navires Qui les portent, à tous vents.
Mais le grillon chanteur Et le souffle des brises Pleurent bien mieux que moi La magie d'une rime ! O Nuit, Nuit solitaire, Reine des Solitudes...
Une informe souffrance Vient déchirer la lune, Cette lune blafarde Au-dessus des forêts Qui renferment ce soir Le noir château du Mal-Dormir...
Faudra-t-il pour cela Quitter ces paysages ? Tuer le Prince errant Dans ces faux marécages ?
Ou rechercher la biche Aux longs yeux suppliants, Asservir l'aigle-roi Dont le vol est un hymne A la pure liberté ? Dans ces Hauts Paysages Il flotte un parfum suave De terre mouillée et sure, De bête traquée, aux abois, De sauvage liberté perdue ; La forêt ruisselle de lumière, De pluie, de feu, de peur, Et peut-être d'amour...
Mais peu importe ! L'essentiel est tari. La fontaine s'est tue, Et l'eau vive est stagnante.
Une aile sombre est passée là, Une ombre couvrante, froide, Oh, froide, comme une tombe ! Glacée.Immobile. Morte – Comment savoir ?
Une porte restée ouverte Et la douceur enfuie. A jamais, si ce mot existe.
Mais le Néant n'est rien, Et toute absence prend fin A la source de l'Amour Où l'Ame se vivifie Et prend sa renaissance... Alors tout recommence ! Morte ? C'est un faux adieu, Une fausse note dans le chant, Ou peut-être une clef glissée dans la serrure...
La biche aux yeux pleureurs A retrouvé son faon Et l'aigle majestueux Contemple son royaume. Il y a toujours un autre faon, Une autre biche, un autre roi Des hautes altitudes, Et après l'Absence, Il y a toujours une autre Absence, Mais c'est la même Solitude.
Dans la forêt trompeuse Les herbes chantent.
Et l'odeur de la nuit Se répand de toute part. Mais le Prince est parti. La Belle a renoué Sa longue chevelure Et les rayons dorés de la lune Ferment les portes bleues Du vieux château de Mal-Dormir...
Sables mouvants
Ce soir la lune est morte. Les sables sont mouvants.
Indicible absolu Des terreurs cachées. Silence opaque Où rien ne transparaît. On m'a volé mon réconfort.
Les oiseaux de haut-vol Ont pu crier leur haine, Leur désir, leur amour, Leur indicible, au-dessus des vagues. Mais moi je n'ai pas pu. C'est trop secret en moi, Enfoui depuis trop longtemps.
Sous la mer, les fonds. Les algues, et puis la fange. Les abysses de boue Couronnés d'épaves. Et le silence opaque Jonché de lettres mortes.
Je voudrais ressentir Quelque douleur du corps, Avoir mal autre part, Avoir un autre étau Que celui de mon âme.
Et que mon hurlement Soit compris pour cela : Pour un mal avouable, Simple,classable, raisonnable.
Mais qui comprendra Une souffrance bâtie Au long de vingt années, Dérivant au fil des ans Comme une épave au fil de l'onde ? Qui défera pierre par pierre, Rocher par rocher, Cri par cri, Coup par coup, Sanglots par sanglots, Silence par silence Le gigantesque et monstrueux Edifice de ma souffrance ?
Hurler ! Hurler ! Seule survie possible ! Je n'en ai même plus la force...
Le mur est devant moi Immense, lisse, gluant, Inattaquable. Inaltérable. Imperméable.
Et vous... Partez.
Vous ne comprenez pas Les plages arides de mon île. Vous ne comprendrez rien Aux goëmons desséchés, Aux flaques misérables.
Mais partez donc, partez !
Vous restez là sans nom, Sans voix, sans amour, Les yeux fixes et sans fond. Et vous m'avez volé Jusqu'au droit d'expliquer...
Et quoi ? Quoi de plus ? Ah, ce cri de bête traquée Que je sens monter là Au creux de mon silence... Hurlement fou,blessé. Mais à quoi bon...
Ah, si j'étais une bête Au profond des forêts, On aurait compris Mon hurlement de fauve. Toutes les bêtes crient devant la mort !
Mais ces mots bousculés S'engluent dans les mouvants. Un, deux, trois, Nous irons au bois. La ronde est formée Sans moi, merci. Je vous en prie Mais pourquoi ne puis-je crier Qu'en silence ?
Et toi, tu n'as rien compris, Comme les autres. Tant mieux. Laisse moi m'en aller, Mais seule. Pas comme ça. Pas comme les autres. Encore plus seule.
Au moins dans la solitude Retrouverai-je Le réconfort d'une chose connue.
Et encore...
Désir de silenceEt voici qu'il me vient Un désir de silence...
Il est tard. Nulle flamme Non, nul souffle N'attise mon foyer. Mais la Solitude.
Je ne sais quoi remue En moi des souvenirs, D'étranges souvenirs imprégnés de soleil. Et des rêves aussi...
Robes à crinolines, Visages masqués de carnaval, Et les canaux sans fin d'une Venise ancienne. Un oiseau crie dans le silence. La perche bat l'eau verte. Les reflets se confondent : Où est le ciel, où sont les eaux ? Les eaux ont absorbé le ciel Et le ciel plonge au sein des eaux.
Tout glisse. Il fait si chaud. Il y a deux soleils, Peut-être sept, ou mille... Comment savoir ?
Et le bruit des chevaux Sur le ponton de bois, Etrange tambourin... Entends-tu ces grelots ?
Les grelots se sont tus. Immobile silence Où, neigeuse, vient éclore Une douce asphodèle. Et l'asphodèle se fane Car tel est son destin.
Robes à crinolines Et lointains sons de fête. Un piano joue sur l'eau, Quelque part, et le rêve Semble plus vrai soudain...
RêveRêve de poésie, Furtif épanouissement de mes pensées secrètes. Rêve d'étrangeté, d'insondables silences et d'impossibles songes. Rêve de volupté de désir en errance et d'errance en mensonge... Rêve d'un temps lointain où les fleurs du chemin jonchent un sol aride, Rêve d'un jour nouveau ruisselant de lumière avec des chants d'oiseaux, des rires sans frontières, des chuchotis de jonc, froissements de roseaux, de l'eau dans les ornières où dort un reflet bleu de ciel et d'océan, de vent et de soleil, de libres envolées vers l'au-delà du rêve... Oh, mes libres oiseaux, mes princes de la mer ! Images enivrantes de vos souples envols, frôlant l'onde parfaite et jaillissant soudain, hôtes des roches dures, hôtes des clairs matins et des soirées profondes... Vous évoquez le rêve et planez dans l'azur, pleins de sérénité, d'espace et de silence...
Rêve de longs sommeil où l'heure s'engourdit. Rêve d'horizons blancs, de sables blonds et fins, de vagues vagabondes, de voyages sans fin... Rêve d'infini bleu, et d'étranges pays où règne le silence.
Rêve de pluie glacée, tambour de guerre lassée, musique révolue de temps immémoriaux. Rêves de froids cortèges au cœur d'un noir hiver, d'absence inexpliquée, d'éternité sans joie, sans toi, sans espérance... Rêve de corbeaux morts jonchant le sol aride où mes larmes se fondent, où fanent les herbes folles. Rêve de pluie, de froid, d'espace et de silence.
Tous ces rêves partis en pure évanescence et qui formaient pourtant chacun, en leur essence, un fragment de ma vie, tous ces rêves ont fui me laissant chaque nuit tenter ma renaissance. VagueIl fait noir dans mon cœur.
Les vagues bleues
recouvrent tendrement
le sable blanc.
Et l’encre bleue
comme une vague
lentement
recouvre le papier blanc
de rêves inachevés
de pensées ébauchées
de semblants de silence.
Quel vent du large
pousse sa mine ?
Quels mots troublants peut-il écrire
sur ce sable trop blanc
où le silence
semble sourire ?
Nuit sans lune Je veux fermer les yeux pour sonder mes pensées : alors l'obscurité m'empêche de les voir. Etre seul c'est garder farouchement l'illusion qu'on ne l'est pas. Et qu'est-ce que le désespoir, si ce n'est une nuit sans lune ? Le vent emporte mon espoir, mon rêve, mon poème et jusqu'à mon silence, Et jusqu'à son image. Mais quand il n'est pas là j'ai tant de chose à lui dire que son message, quand il est là et me regarde se noie dans son sourire. Souvenir perduLa pluie, et puis le vent. Une lettre attendue, L’absence, un long moment De rêve et de silence, Un souvenir perdu. Je songe à tes yeux doux, A tes gestes si tendres, Comme un souffle sur l’onde, Un printemps revenu, Une fleur épanouie. Je songe à ta douceur Comme une pêche blonde, Et pleine, et satinée, Un vrai fruit de l’été ! Quand le soir agonise… Mais le regard ému Détourne sa caresse : Ai-je trop demandé Ou n’ai-je pas su voir ? Ou pas su te rejoindre. L’espoir était trop pur, Et le geste trop tendre– Mais l’amour aurait su Combler nos solitudes Et joindre nos destins. La pluie, et puis le vent, Compagnons incertains Mais fidèles, toujours – Et prêts à revenir Pleurer mon rêve ancien. Reviendras-tu bercer mes songes éplorés Oh, toi qui n’étais rien Qu’à peine une ombre grise Au détour du chemin ? Toi dont j’étais éprise… Reviendras-tu chercher La perle imaginaire, Le trésor englouti, Le mystérieux sourire Où frémissent mes larmes ? OrageCe soir la lune est morte, Les sables sont mouvants. L’orage au loin gronde et s’éloigne mais mon cœur est si lourd, si fatigué d’attendre. J’ai cru pourtant un jour saisir l’oiseau volage, Cet amour qui chantait Au creux de mes désirs. Mais le bonheur déjà, le bonheur si ténu, le bonheur d’être aimée ne m’a pas retenue. Les sables sont mouvants, les sables qui m’étouffent. Les sables sont si fins qui font au sablier s’écouler les minutes et les joies de naguère. Si je m’étais trompée… ! Et je redis les mots que je disais, avant. avant les coups du sort, avant les coups de mer, avant les jours mauvais : « Ce soir la lune est morte, Les sables sont mouvants… » Ce soir le doute emporte et ronge l’avenir. Ce soir je ne sais plus les mots de ma prière. Ce soir le lourd silence a dépecé mon âme. Si je m’étais trompée… ! Mes anges de douceur, mes enfants, de mon sein surgis nus et fragiles et réchauffés d’amour, retiennent mes espoirs et me font croire encore… Mais mon amour à moi, l’amour qui me guidait sur mes routes sans lune, sur mes landes arides et mes rivages durs, mon amour amoureux, qu’est-il donc devenu ? Si je m’étais trompée… ! Post scriptum :J’ai beaucoup écrit J’ai beaucoup parlé. Et maintenant, Solitude, Tu restes ma seule compagne, Tu restes seule à partager L’inexprimable silence De mon âme. |