La péniche





Elle est là, immobile, depuis l'aube attendrie par les rayons d'un soleil pâle encore. Elle est là, endormie et songeuse, depuis longtemps déjà. Le matin qui s'avance a révélé ses flancs, son reflet au miroir d'une eau calme et pailletée d'or fin. L'azur immaculé du grand ciel printanier y joue à peindre l'ombre des bouleaux.

La péniche, solitaire, songe à d'impossibles mouvances, à des voyages lents le long des bords tranquilles, nonchalante et paisible. A quand l'heureux départ vers d'autres horizons ? Ici les droits chemins de halage n'en finissent pas de se ressembler tous, et la péniche songe à de larges espaces, où son reflet enfin ne serait plus ainsi immobile et songeur.

La mer !

Le large !

Le splendide océan !

Et la péniche rêve...

Mais que serais-tu, là-bas, au milieu des navires aux pointes effilées, bien mieux faits pour les vagues et les fureurs océanes, pauvre péniche ! Tu n'y serais pas là superbe de langueur, et ta grâce venue de tes reflets fidèles y serait devenue une lourdeur pataude...

Reste donc au canal où tu connais la route, semée de primevères et de joncs alanguis : c'est peut-être moins grand, mais c'est chez toi, et tu y es à l'aise !

Certains sont comme toi à chercher des chimères, loin de leur foyer et loin de leur patrie. Ils en reviennent bien un jour les membres las et les yeux épuisés, mais rien n'est doux jamais comme de revenir...

Badadou



                                                                                 

 



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