L'île au lever du jour
Au sommet de
mon passé, j'avais dressé trois tentes, trois refuges où mon âme allait
chercher sa paix : dans la première j'abritais ma prière, blottissais dans la
seconde la chaleur de ton amitié. La troisième... la troisième contenait
simplement les douces couleurs d'une île solitaire, avec ses vents, ses vagues,
ses rochers, et la sauvage liberté des goélands marins...
Mon île.
Chaque matin nouvelle et prête à se donner, frémissante encore de l'évaporation
d'une imperceptible rosée. Mon île, toute imprégnée des mystères nocturnes,
offrant à la solitude son hymne le plus pur.
Mon île.
Quel lien
invisible m'attache donc à ce rivage ?
Pourquoi
cette émotion, unique, exaltante, lorsque chaque fois, je la redécouvre ? Et
pourquoi cette timidité dans la contemplation, comme on scrute un visage aimé
perdu de vue depuis longtemps, craintif un peu d'y déceler l'irréparable changement
?
Là, au coeur
de sa simplicité, non, l'île n'avait pas changé.
Le
flamboiement du jour au lever du soleil offrait à mes yeux éblouis la même et
délicieuse splendeur. L'arméria tapissait la lande où le granit affleure et
l'asphodèle élevait ses touffes d'un blanc pur, innombrables flammèches montant
vers le ciel bleu. L'alouette de mer égrenait sa chanson dans son vol en
spirale. Les goélands argentés, impassibles seigneurs des falaises plongeantes,
ayant niché dans les creux d'ombre, dégourdissaient leurs ailes en un long vol
plané, danse remplie de vent où frissonne l'azur.
Et les
reflets moirés dans l'eau calme des anses riaient entre les rocs à leurs jeux
de lumière... glissaient en d'insondables transparences...
Le
Vieux-Château, tout seul, grandi par le silence, observait la caresse attendrie
de la vague aux galets, écoutait, attentif, murmurer entre ses pierres grises,
le vent, soudain perdu en de lointains et troublants souvenirs...
Mais, sitôt
que Midi faisait tourner les ombres, il fallait vite, oh, vite repartir, pour
ne pas voir souiller ces vierges étendues !